La physique des rayons cosmiques d'ultra haute énergie (RCUHE, énergie autour et au-delà de 1018 eV) présente deux intérêts majeurs : elle permet d'explorer un domaine d'énergie inaccessible aux accélérateurs et elle ouvre la voie à l'exploitation des particules cosmiques dans l'astronomie. La compréhension de l'origine de ces particules les plus énergétiques observées jusqu'à présent reste une question ouverte de la physique des astroparticules. Leur étude est cependant difficile car il faut faire face à des défis expérimentaux. En effet, à ces énergies, leur flux est trop faible pour permettre leur détection directe au-delà de l'atmosphère. Les particules cosmiques de haute énergie sont donc observées au travers des cascades de particules secondaires qu'elles génèrent dans l'atmosphère. Leur flux ne dépassant pas 1/km2 /an au-delà de 1019 eV, il est nécessaire de couvrir des surfaces de détection gigantesques pour collecter un grand nombre d'événements. L'Observatoire Pierre Auger, couvrant 3000 km2 dans la pampa argentine, est conçu pour étudier les rayons cosmiques aux plus hautes énergies. C'est le plus grand détecteur de rayons cosmiques actuellement en fonctionnement. La spécificité de l'observatoire est de coupler deux techniques de détection des gerbes atmosphériques ayant déjà fait leurs preuves.
L'Observatoire Pierre Auger est un ensemble instrumental performant
qui détecte les rayons cosmiques sur plus de trois décades en énergie.
Il permet de caractériser les gerbes atmosphériques produites par les RCUHE en détectant
les particules arrivant au sol, avec un réseau de 1660 détecteurs autonomes (compteurs Cherenkov à eau, WCD),
composant le SD (Surface Detector) et la lumière de fluorescence qu'elles produisent dans l'atmosphère,
avec 27 télescopes composant le FD (Fluorescence Detector). Sa vaste surface de collection
et sa stratégie de détection hybride ont permis des avancées considérables des connaissances
sur les rayons cosmiques jusqu'aux énergies les plus extrêmes, à la hauteur des attentes initiales.
Les nombreux résultats marquants obtenus au cours des dernières années par la collaboration
Pierre Auger ont apporté les premières réponses aux énigmes posées par l'observation des RCUHE,
et ont bouleversé notre perception conventionnelle de leur nature et de leur origine. Mais il reste
des questions importantes à éclaircir, et certaines des réponses apportées soulèvent de nouvelles questions :
quelle est la composition du rayonnement cosmique aux énergies extrêmes,
quels sont les mécanismes d'accélération opérant dans les sites astrophysiques,
quelles sont les sources des RCUHE?
La collaboration Pierre Auger a donc mis en place un programme d'amélioration de l'Observatoire,
le projet AugerPrime, pour apporter un éclairage nouveau sur la nature et l'origine de ces rayons cosmiques.
Ce projet prévoit une évolution du détecteur de surface avec notamment l'installation
de scintillateurs (SSD, Scintillator Surface Detector) sur chaque détecteur Cherenkov,
pour obtenir une mesure complémentaire des particules contenues dans la gerbe.
Pour traiter à la fois les signaux des WCD et ceux des SSD une nouvelle électronique
d'acquisition et de contrôle aux performances accrues est développée (SDEU, Surface Detector Electronic Upgrade).
Grâce à ce projet d'amélioration, soutenu par l'APPEC (Astroparticle Physics European Consortium)
l'Observatoire devient le seul instrument capable d'explorer
la fin du spectre en énergie des rayons cosmiques et de préciser leur composition.