Article 1/5
LE MONDE / 29 Mai 1999 / Page 30

AUJOURD'HUI

Les rayons cosmiques de haute énergie défient toujours les astronomes

PROFIL

PIERRE AUGER, LA POSTERITE PAR LE NOM COMMUN
 


 

     " L'honneur suprême, disait-il, c'est de perdre la majuscule de son nom. Quand je vois, écrit sur un tableau de commande, au-dessous d'un bouton, "auger", je me dis que j'ai bien de la reconnaissance envers cet effet dont j'ai l'honneur de porter le nom. " Pierre Auger, décédé le 24 décembre 1993, était un modeste qui promenait sa mince silhouette au pas de charge sans trop de souci des règles en vigueur ( Le Monde du 30 décembre 1993). A peine a-t-il quitté l'Ecole normale supérieure qu'il découvre en 1923 l'effet qui porte son nom et que des générations d'industriels utilisent encore, notamment dans le domaine des composants électroniques, pour caractériser la surface d'un matériau. Il a vingt-quatre ans.

Trois ans plus tard, Pierre Auger soutient sa thèse de doctorat et, l'année suivante, se consacre, avec bonheur, dans le laboratoire de Jean Perrin, au rayonnement électronique secondaire des >rayons X, aux neutrons du béryllium et aux gerbes de rayons cosmiques qui portent son nom : les gerbes d'Auger. En 1936, il devient maître de conférences à la Sorbonne et professeur l'année suivante. Commence alors une carrière parallèle qui le conduira à participer à la création de nombre d'organismes qui modèleront le visage scientifique de la France - CNRS (recherche), CNES (espace), ENSI (écoles d'ingénieurs) - et de l'Europe - CERN (physique des particules) et ESRO (Europe spatiale) - après la Libération.

Pendant la guerre, il rejoint, en 1941, les Forces françaises libres avant de s'envoler vers les Etats-Unis, où il dirige un laboratoire anglo-franco-canadien sur le développement de l'énergie atomique. Il est d'ailleurs, en 1943, un des trois Français à prévenir le général de Gaulle de la construction aux Etats-Unis d'une arme nucléaire.

Le parcours de ce bâtisseur infatigable, auquel certains reprochaient d'être remarquable pour lancer les choses mais fort peu présent ensuite, le desservira parfois. Au point que le Comité Nobel, qui, dit-on, aurait pu l'honorer, l'oubliera dans ses sélections. Au point aussi que l'Académie des sciences ne l'accueillera dans ses rangs qu'en 1977, après avoir soigneusement pris la mesure de ce personnage hors norme qui pratiquait la sculpture et la poésie en proclamant, pour le regretter, que " les idées traditionnelles ont la vie dure ".

JEAN-FRANCOIS AUGEREAU



Article 1/5
Droits de reproduction et de diffusion réservés. © Le Monde janvier, 1999. Usage strictement personnel. L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la Licence de droits d'usage, en accepter et en respecter les dispositions. Lire la Licence.